Mauricio Hernandez, « Médiatisation technologique et voix du réel. Une anthropologie historique du regard – de la trace à l’écran »

Présentation de la thèse de doctorat

Résumé

Nous partons du constat de l’importance de l’image dans le processus d’anthropogénèse, car la fixité de l’image se dévoile comme une médiation temporelle, c’est-à-dire, comme la création d’un temps rapporté médiatisant notre rapport au réel et transgressant par là notre champ perceptif. À ce titre, l’histoire de l’image apparaît comme le développement de divers modèles eidétiques statiques qui vont être en négociation et relation permanente avec les modèles eidétiques dynamiques : le langage, les gestes, l’outillage, la musique, la danse, l’habitat ; modèles qui en contrepartie sont des médiations nous permettant d’investir l’espace et de le délimiter. L’interpénétration des deux types de modèles, dynamiques et statiques, constituerait, dans la pléthore et la diversité d’éléments composant chaque culture, le caractère définissant l’homme comme animal politique.

C’est ainsi que l’on a pu discerner une différence ontologique lors de l’apparition de la trace photographique, trace résultant, non d’une idéalisation formelle et symbolique, mais de l’idéalisation d’une distance, à partir de laquelle se matérialise l’écran en articulant le regard depuis une nouvelle échelle opératoire. L’apport essentiel de l’image serait entré donc dans une nouvelle phase qui, au bout de presque deux siècles, aurait transformé l’homme en animal médiatique. C’est là que l’histoire de la nouvelle trace, sous l’essor de la technologie numérique, centre tout enjeu politique dans sa manifestation la plus conséquente, celle de l’expression cinématographique.

Dans ce cadre nous avons abordé et privilégié une histoire du cinéma à des moments où celle-ci développe des enjeux spécifiques dans son rapport au réel, comme notamment dans l’exemple de l’œuvre du cinéaste mexicain Téo Hernández, réalisée pour l’essentiel en Europe entre 1968 et 1992. Sa forte dimension phénoménologique, l’importance du corps dans l’acte de filmer, tout autant que sa fine réflexion sur le médium et son rapport au réel, nous ont fournit une clé de voûte nous permettant de comprendre les grands changements médiatiques qui sont survenus dans les années 80, et qui ont déterminé le regard politique du monde actuel.

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Jacques Fontanille, « Formes de vie/Modes d’existence: hypothèses anthroposémiotiques »

Intervention du 16 février 2017
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Résumé
Le thème des « formes de vie » est apparue en sémiotique dans les années 1980, en prolongement et en parallèle à la fois des recherches sur le monde sensible et sur les esthésies, notamment dans la lignée du livre de Greimas intitulé « De l’imperfection ». Cette parenté peut sembler étrange, si on la compare par exemple avec la manière dont la notion de « formes de vie » vient couronner l’édifice pragmatiste de Wittgenstein, mais on peut la comprendre néanmoins si on se réfère à la définition et à la compréhension des « micro-univers sémantiques » qui apparaissent dès Sémantique Structurale : comme des « mondes » saisissables dans leurs discontinuités sémantiques, sur le fond de l’expérience globale que nous en faisons, et cette expérience mêle indissociablement perceptions, affects, vision du monde, modes d’existence et « couleurs modales » de ces modes d’existence. Autrement dit, dès le point de départ du parcours théorique de Greimas, les formes sémiotiques étaient déjà considérées comme impliquées dans et surdéterminées par des « formes de vie » et des « modes d’existence ».
Mais la question des « modes d’existence » et des « formes de vie » intéresse aujourd’hui, sous le même nom ou sous d’autres noms, aussi bien l’anthropologie des modernes que l’’anthropologie de la nature. Au-delà du sensible et des « colorations » modales et affectives des mondes sémiotiques que sont les formes de vie, leur ancrage collectif dans des modes d’identification et leur participation au lien social doit être exploré. C’est par conséquent cette version des formes de vie, cette dimension anthroposémiotique que je voudrais discuter avec les participants du séminaire « Formes Symboliques ».

Yves-Marie Visetti, « Types et motifs : la question de la reconnaissance »

Yves-Marie Visetti présente ses recherches actuelles sur les modalités d’appréhension du phénomène de la reconnaissance.

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(partie 5/7) :

(partie 6/7) :

suite et fin :

Jean Lassègue, « Émergence et évolution de la parenté »

Introduction et retour sur les journées de Foljuif (nov. 2002)

Les journées scientifiques qui se sont déroulées à la station biologique de Foljuif en novembre 2002 ont permis de faire se rencontrer des anthropologues et des linguistes, des éthologues, des philosophes et des modélisateurs appartenant au groupe de recherche « Modélisation de l’émergence du langage » (MEL).
Très concrètement, tout d’abord, l’objectif de ces journées était de réunir des chercheurs britanniques et français, appartenant à des disciplines variées (anthropologie, linguistique, modélisation en sciences humaines et sociales, philosophie), pour permettre des échanges transdisciplinaires et transnationaux. Il s’agissait, d’une part, de mieux comprendre la place revenant au langage dans l’ensemble des activités symboliques et, d’autre part, de mieux circonscrire la pertinence de la modélisation dans l’abord de l’émergence du langage. Ces deux questions, traitées de façon connexe depuis la formation du groupe MEL, méritaient, de par leur importance et leur difficulté, une étude particulière, d’où l’idée d’y consacrer des journées spéciales.
Je présente ici les différentes interrogations qui furent les miennes en proposant au groupe MEL la tenue de cette réunion. Ni les membres du groupe ni nos invités n’étaient évidemment tenus d’y répondre explicitement, et chacun a pu se situer librement par rapport à celles-ci, sans avoir à y couler de force sa pensée.

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Jean Lassègue, « Sélection naturelle et sélection de groupe – origine et enjeux du débat »

Résumé

La problématique remonte à Darwin et au concept de sélection naturelle. La sélection naturelle de certaines caractéristiques dans les organismes vivants exige un préalable : la permanence de la variabilité de ces caractéristiques, variabilité que Darwin ne s’expliquait pas (C’est Mendel qui a montré qu’elle vient du fait que les caractéristiques propres aux deux parents ne se diluent pas dans la génération suivante -en quelques générations cela réduirait à rien toute variation – mais que certaines caractéristiques provenant d’un des parents s’exprime tandis que celles provenant de l’autre parent peuvent s’exprimer à des générations ultérieures – c’est la différence dominant / récessif). En revanche, Darwin met au jour un mécanisme permettant de rendre compte de la sélection des caractéristiques : dans un environnement donné, certaines caractéristiques apparaissant de façon aléatoire sont avantageuses pour l’organisme en termes de différentiel de reproduction. L’organisme doté de telle ou telle caractéristique bénéficie d’un temps moyen de reproduction plus grand que celui qui n’en est pas doté (par exemple, une plus grande rapidité à la course ou un meilleur camouflage) : l’accumulation de cet avantage reproductif à travers les générations contribue à multiplier les descendants de l’organisme possédant la caractéristique en question au détriment des organismes de la même espèce ne possédant pas cette caractéristique. Il y a donc une compétition entre les individus d’une même espèce, compétition qui transite par les caractéristiques assurant, dans un environnement donné, un avantage reproductif. C’est ce qui transforme progressivement l’espèce au cours du temps.

Le mécanisme de la sélection naturelle semble ainsi rendre impossible tout ce qui ne vise pas l’avantage reproductif de l’individu. Le mécanisme de la sélection naturelle permet non seulement d’expliquer les caractéristiques organiques des espèces et leur évolution au cours du temps, mais aussi les caractéristiques comportementales. On voit immédiatement la conséquence : si on peut expliquer l’existence des comportements d’aide, de protection et de secours entre individus apparentés (mère / progéniture, par exemple), le mécanisme de sélection naturelle semble impropre à sélectionner des comportements « altruistes » entre individus non-apparentés puisque cela irait directement contre la règle de la compétition pour l’avantage reproductif.

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Antonino Bondì, « Invention et interprétation(s) entre imagination sémiotique et imaginaire »

Résumé

Dans cet exposé je focaliserai les liens entre invention et interprétations, que je propose d’analyser comme deux opérations sémiotiques (et plus largement anthropologiques), à l’œuvre dans différents dispositifs et régimes culturelles de gestion du sens. En nous appuyant sur la distinction de Yves Citton entre économies de la connaissance vs cultures de l’interprétation, nous montrerons la valeur prototypique du geste inventif, qui traverse toute praxis et se déploie comme une interprétation sémiotique généralisée orientée toujours vers les virtualités des objets et permettant une double actualisation des sujets (et des groupes sociaux) et des milieux de culture.

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Pierre Boudon, « Un dispositif de catégorisation à la base d’un processus sémiotique d’agrégation »

Pierre Boudon – L.E.A.P (Laboratoire d’Étude de l’Architecture Potentielle), Université de Montréal

Dans une étude précédente, La question du genre comme nœud de relations sémantiques, nous avons associé étroitement la notion de « catégorisation » et celle de « classification ». Sans remettre totalement en cause cette association : « catégoriser, c’est classer », nous voudrions à nouveau réévaluer ce rapport en l’ouvrant en particulier à d’autres considérations puisque celui-ci dépend d’un autre, plus profond, entre déterminisme et indéterminisme (ou, en termes sémiotiques, « reproduction » d’un système de valeurs et « innovation » en tant que modification et/ou changement) […]

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Johann Michel, « Quand le social vient au sens ; Philosophie des sciences historiques et sociales »

L’objectif de la communication est de proposer une réflexion sur la « voie longue » de l’herméneutique, en reconnaissant la doublure de l’acte d’interpréter à la fois comme pratique ordinaire au plan anthropologique et comme activité scientifique au plan épistémologique.
L’exposé porte surtout sur les modalités ordinaires d’interpréter dans la possibilité de construire une anthropologie sociale et philosophique.

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Michael Lainé, « Aux confins de la raison : analogies et émotions dans les anticipations en incertitude ; actualité de Keynes »

Résumé

Les théoriciens de l’école classique ressemblent à des géomètres euclidiens qui, se trouvant dans un monde non euclidien et constatant qu’en fait les lignes droites qui semblent parallèles se coupent fréquemment, reprocheraient aux lignes leur manque de rectitude ». On aurait aimé que ces propos de Keynes perdent de leur brûlante actualité. Huit décennies plus tard, les théoriciens de l’école (néo)classique reprochent aux individus réels leur manque de rectitude rationnelle, rectitude assimilée à l’usage inconscient du calcul probabiliste bayesien.

Philosophe devenu économiste, Keynes fut l’auteur d’une thèse sur le raisonnement en incertitude saluée par Bertrand Russell et Emile Borel. Si c’est l’économiste qu’a retenu la postérité, le philosophe ne mérite pas moins d’attention. Il ne s’agit pas là d’une déplorable poussée d’acnée de sa pensée : l’incertitude radicale, non probabilisable, se situe au coeur de l’économie monétaire de production qu’il propose. Sans elle, il n’y aurait pas de monnaie. Ce n’est pas un hasard si les modèles dominants de l’école néoclassique ne comportaient, jusqu’à très récemment, pas de banque ou de secteur financier à proprement parler.

Ce séminaire se fixe pour objectif un examen approfondi des vues de Keynes sur l’anticipation en incertitude radicale. Il s’autorisera quelques glissements vers l’actualité de la recherche afin de montrer combien sa pensée permet d’éclairer les débats de l’heure.

Féroce contempteur des limites du calcul probabiliste, Keynes élabora une théorie de l’anticipation inductive à caractère analogique qui continue d’inspirer philosophes et psychologues, quoiqu’elle soit méconnue des économistes. Il la compléta par des analyses du rôle d’un instinct ancré dans les émotions (les « esprits animaux ») et des conventions, toutes dimensions du raisonnement humain que l’on aurait tort de réduire à de l’irrationalité pure et simple. Ainsi, c’est à dégager quelques pistes pour élaborer une théorie alternative de l’anticipation que convie ce séminaire.