Jacques Dewitte présente ses recherches sur le langage dans ses dimensions symboliques et politiques.
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Jacques Dewitte présente ses recherches sur le langage dans ses dimensions symboliques et politiques.
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L’objectif de la communication est de proposer une réflexion sur la « voie longue » de l’herméneutique, en reconnaissant la doublure de l’acte d’interpréter à la fois comme pratique ordinaire au plan anthropologique et comme activité scientifique au plan épistémologique.
L’exposé porte surtout sur les modalités ordinaires d’interpréter dans la possibilité de construire une anthropologie sociale et philosophique.
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L’interpénétration des langues romanes et germaniques en Europe est plus profonde qu’on ne le croit. Au niveau phonologique, on remarquera la présence des voyelles antérieures arrondies /y, ø, œ/ dans une multitude de langues et dialectes romans bien que ce phénomène soit plus typiquement répandu dans les langues germaniques.
Inversement, aujourd’hui encore, on assiste à la diffusion croissante du /R/ uvulaire, initialement réservé au français, dans les sphères romane aussi bien que germanique.
Comment expliquer ces phénomènes inhabituels ? En partant de l’hypothèse du feature pool, conception développée dans l’étude des langues créoles, on a les moyens d’analyser ces développements historiques avec un modèle qui arrive à concilier aussi bien des processus de contacts linguistiques que des changements internes du système grammatical ou phonologique.
Dans ce modèle, la réalité sociale est au centre de la réflexion car l’émergence ou l’entrée d’un nouveau trait structurel peut s’expliquer par la valeur socio-indexicale du phénomène en question. C’est à partir de cette signification sociale accrue des deux types de phonèmes qu’on peut faire un lien entre la phonologie socio-dialectale comparée et la notion du langage comme forme symbolique.
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Continuer la lecture de « Mark Anspach, « Retour sur les fouilles de Çatalhoyuk » »
Benoît Grévin, CNRS-LamoP
(Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris), UMR 8589
Les cultures linguistiques tardo-antiques et médiévales sont marquées par une complexité due aux caractéristiques des sociétés qui les abritent. Participant encore pleinement, par de nombreux aspects, d’une vision performative de la langue en tant que miroir du divin et instrument magique, elles n’en possèdent pas moins également de profondes spécificités, liées à la complexification de pratiques de l’écrit stratifiées, conjuguant le maintien d’héritages antiques et la création d’outils spécifiques.
En reprenant certains des problèmes soulevés dans l’essai de comparatisme Le parchemin des cieux. Essai sur le Moyen du langage (Paris, Le Seuil, L’univers historique, 2012), on tentera de donner une idée des possibilités de réfléchir à nouveaux frais sur des pratiques et sur des idées trop souvent lues à l’aune téléologique du dévoilement progressif des modernités qu’offre un comparatisme des différentes aires culturelles eurasiatiques au long du millénaire médiéval.
Continuer la lecture de « Benoît Grévin, « La langue symbole d’elle-même » »
Comment comprendre le halo de sacralité qui entoure aujourd’hui encore la pratique de la justice ? Comment s’explique le fossé qui sépare la conception de la fonction de juger en Occident et dans d’autres cultures, comme celle de la Chine ? Quelle est l’origine de l’écart qui s’est creusé entre les justices de common law et celles de l’Europe continentale, jusque dans la construction de la vérité judiciaire ?
À ces questions, ce livre cherche des réponses dans l’histoire des articulations entre justices humaines et justice divine au sein même de la pratique des procès. En Occident, elles sont passées par deux phases. La première fut d’instrumentalisation. La christianisation des ordalies permettait de solliciter directement de Dieu le jugement des causes. La seconde fut d’imitation. À partir du Moyen Âge central, les hommes allaient assumer seuls la charge du jugement. Mais jamais ils ne perdirent de vue l’exigence de perfection que leur imposait la référence à l’idéal d’une justice absolue.
L’ouvrage entreprend de dénouer les fils de cette histoire, en même temps qu’il l’éclaire du dehors en l’inscrivant dans une ample anthropologie comparative des rituels judiciaires.
Continuer la lecture de « Robert Jacob, « La grâce des juges » »
Jean-Pierre Durafour – Université de Tübingen
Equipe SCOLIA de l’Université Marc Bloch de Strasbourg
Depuis une trentaine d’années, et plus particulièrement depuis le début des années 90, le champ des recherches en sémantique lexicale et en sémantique propositionnelle se trouve dans un profond bouleversement théorique. Ce lieu intellectuel est un creuset bouillonnant d’idées nouvelles. L’intensité de ce bouillonnement et de ce besoin de transformations conceptuelles est à la mesure des enjeux historiques : la remise en question de la configuration et des principes théoriques de la sémantique/sémiotique grammaticale et linguistique (24 siècles), centrée depuis toujours, et non par hasard, sur la sémantique et la sémiotique du mot substantif (comme substance/essence /concept//objet en tant qu’étant séparé positif logiquement délimité, en opposition au néant). D’où, dans les études traditionnelles du sens et de sa formation, avec toute la force de leur évidence, l’atomisme du sens lexical et du correspondant mondain de la chose (objet) que ce sens désigne ontologiquement et signifie individuellement, sa référence. Reflet de l’atomisme ontologique classique, l’atomisme sémantique est théoriquement flanqué, d’une part, du principe ontologique de l’antécédence du simple sur le composé, de l’autre, du principe épistémologique et génétique de la précédence de la partie sur le tout. Il s’agit là, on le sait, de la conception conceptuelle du sens du mot (analytiquement composé de traits) et de la conception compositionnelle du sens propositionnel, conceptions statiques nées, à l’époque de la Grèce classique, de l’ontologie (les catégories aristotéliciennes et le principe hiérarchique de l’essentiel et de l’accidentel) et de la théorie de la connaissance rationnelle, objective, du général, en opposition à la connaissance perceptive privée, subjective, du particulier.
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On exposera ici quelques éléments de réflexion sur un usage possible de Merleau-Ponty au sein d’une interdiscipline scientifique. Bien que constamment retravaillés à travers toute son oeuvre, les thèmes qui nous concernent se trouvent tout particulièrement traités dans la Phénoménologie de la Perception (PP dans la suite de l’article), Signes (S), La Prose du Monde (PM), ainsi que dans plusieurs de ses Cours, à la Sorbonne puis au Collège de France. C’est, plus précisément, l’articulation entre expression et sémiose qui fédère cet ensemble de thèmes. La question de cette articulation a été abordée dès la Phénoménologie de la Perception à partir d’un ‘modèle’ central : celui de la transition, et presque de l’identification, du geste au langage. Repartant à notre tour de ce ‘modèle’, nous chercherons à explorer plus avant la coappartenance de l’expression et de la sémiose sous un horizon plus directement scientifique qui est le nôtre.
Il s’agit de proposer, en l’inscrivant dans la perspective d’une anthropologie sémiotique, un cadre transversal fondamentalement attaché à la notion d’un primat de la perception ; un cadre qui se laisse transposer et travailler, au sein des sciences humaines et sociales, en termes de théories génétiques de champs et de formes. Une interprétation naïve du titre pourrait laisser penser qu’il s’agirait d’opposer deux dimensions initialement séparées, l’expression s’identifiant d’abord à un acte d’extériorisation combinant individualité, spontanéité, activité, corporéité ; tandis que sémiose vaudrait au premier chef pour socialité, normativité, abstraction, passivité, institution. Mais ce serait évidemment un contresens, s’agissant d’un travail en affinité avec l’oeuvre de Merleau-Ponty : le titre de cet article ne peut-être que le nom d’un chiasme dont on voudrait explorer ici quelques modalités, comprises toujours dans leur guise perceptive et pratique.
L’un des défis principaux est bien de respecter le caractère à la fois public et incarné de l’expression. Parallèlement, il convient de ne pas réifier l’ordre sémiotique, ce qui conduirait fatalement et paradoxalement à ne plus y voir que l’ombre portée d’une abstraction ; c’est en le considérant au contraire comme forme d’une activité, energeia avant que d’être ergon, pour reprendre les termes de Humboldt, qu’on sera en mesure d’y reconnaître l’engagement concret et la dimension expressive qu’il comporte. C’est ainsi, dialectiquement, que nous reprenons à notre façon le slogan d’un primat de la perception : comme expressivité originaire du sensible ; et, tout aussi nativement, comme trace ou motif de sémiogenèses toujours imminentes, d’un enrôlement comme destinataire.
Le point de départ est donc toujours le même : relever partout le « thème perceptiviste », – si l’on entend par là aussi le « thème praxéologique », dès le moment qu’on l’indexe véritablement sur les formes et les champs perceptifs traversés. La tâche est de montrer de quelle façon il s’approfondit dans le passage au thème d’une vie expressive, articulée, sans s’y réduire, aux sémioses instituées ; et comment il vient nourrir les théories dynamiques de champs et de formes, telles qu’elles se développent en linguistique, en sémiotique, dans certaines sciences cognitives. Ainsi peut-on réinvestir des champs disciplinaires dont les objets ont souvent été définis d’abord sous un régime herméneutique ‘abstrait’ (comme actes interprétatifs, ou comme structures formelles). La clef en est, au moins comme premier abord, de bien penser l’intrication, la solidarité organique, des dimensions expressives et thématisantes au sein des champs perceptifs.
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Pierre Clastres, Archéologie de la violence ; la guerre dans les sociétés primitives, Editions de l’aube, Luxembourg, 1999, 94 p., ISBN 2-7526-0084-4.
L’essai de Pierre Clastres constitue comme un appendice à son livre La société contre l’Etat (1974) et se fonde sur sa thèse centrale. L’essai de Clastres cherche à dénoncer le discours savant tenu sur la notion de guerre dans les sociétés primitives.
Le constat dont part Clastres est le suivant : le discours ethnographique nie purement et simplement que la forme sociale de la violence, à savoir la guerre, soit consubstantielle à l’idée même de société primitive. Une raison très profonde à cela, pour Clastres : le discours occidental sur ce que doit être une société suppose toujours, depuis Héraclite, que celle-ci dépende d’un terme extérieur à la société qui rende possible sa division interne de nature hiérarchique entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent et qui a pour effet d’intérioriser dans l’idée même de hiérarchie cette violence, alors que celle-ci est vécue autrement dans les sociétés primitives. C’est donc, pour Clastres, la représentation hiérarchique de la société qui empêche de concevoir une société en proie à une violence à proprement parler sans mesure, c’est-à-dire où la violence n’est pas négociée selon des termes qui la rende compréhensible aux yeux des Occidentaux (à de rares exceptions près, dont font partie Montaigne et La Boétie) une fois qu’ils l’eurent rencontrée sur le continent américain, lors des grandes découvertes.
L’opposition de la nature et de la culture, qui avait servi de socle à l’anthropologie structurale, est devenue un lieu commun de la philosophie.
Elle abrite pourtant plusieurs paralogismes que la plupart des commentateurs, anciens ou récents, anthropologues ou philosophes, s’accordent à passer sous silence. C’est d’autant plus étonnant que Lévi-Strauss lui-même a depuis longtemps renié cette opposition proprement sophistique pour une conception de la nature plus proche de celle d’Aristote.
Nous tenterons de déterminer les causes de cette cécité intellectuelle persistante, et de remédier à ses conséquences les plus dommageables : la négation de toute nature humaine, au nom d’un relativisme superficiel et dogmatique ; ou, à l’inverse, la « naturalisation » au forceps des sciences humaines, par réduction de la nature à l’image très partielle que la physique classique nous en donne.
En nous appuyant sur des textes célèbres, mais méconnus, de Lévi-Strauss, aux accents aristotéliciens, nous montrerons que les sciences de l’homme peuvent être réinsérées dans les sciences de la nature, sans perdre leur spécificité.