Marika Moisseeff – Que recouvre la violence des images de la procréation dans les films de science-fiction ?

Dans Le meilleur des mondes, les enfants sont fabriqués en flacon et les humains « civilisés » ne sont plus assujettis à la reproduction naturelle, c’est-à-dire à la viviparité perçue comme une infâme chose du passé ne survivant plus que dans quelques réserves de « sauvages ». « La civilisation, répète Huxley, c’est la stérilisation. » Pour être des humains véritables, des « civilisés » à part entière, il faut jouir pleinement, c’est-à-dire être libérés du joug reproducteur. L’érotisme est l’apanage de l’humanité. Il inscrit pleinement dans la culture tandis que la procréation naturelle rabaisse au niveau de la nature et, par là, de l’animalité. De fait, la science-fiction contemporaine tend à dépeindre la ’viviparité’ comme une forme de parasitisme animalisant. Les représentations qu’elle véhicule sont sous-tendues par l’idée selon laquelle plus une espèce est « évoluée », entendez avancée sur le plan technologique ou sur le plan biologique, moins elle procrée et, par voie de conséquence, plus elle est dépendante d’espèces moins évoluées pour se reproduire. Or, on sait que la démographie des sociétés occidentales modernes qui se conçoivent comme les plus évoluées, les plus civilisées, doit beaucoup à l’apport de sociétés perçues comme moins évoluées via la migration et, de plus en plus, via l’adoption à l’étranger pour les couples stériles. Elles sont également celles qui sont le plus préoccupées par la crainte d’une surpopulation qu’elles présentent comme un risque majeur pour l’humanité. L’aspect parasitaire et pullulant de la reproduction des insectes en font des personnages privilégiés par la science-fiction hollywoodienne. Le combat de la culture contre la nature est dépeinte comme une bataille sans fin entre l’humanité – fortement américanisée – et des espèces extraterrestres insectoïdes tendant à parasiter les humains pour se reproduire. L’association sexualité/procréation est décrite comme potentiellement létale pour l’humanité.

Cette façon de concevoir la maternité comme animalisante a, bien entendu, quelque chose à voir quant aux représentations de la féminité et du rapport entre les sexes. La science-fiction peut, de ce point de vue, être abordée comme une véritable mythologie contemporaine susceptible d’éclairer les relations hommes-femmes mais aussi les relations entre groupes culturels. Une mythologie contemporaine qui s’élabore pour une bonne part dans les studios de Hollywood. C’est pourquoi je me propose de commenter un montage d’extraits de films de science-fiction (Starship Troopers, Alien 1, 2, 3, 4, Xtro, La mutante 1 et 2). Du sexe et du gore en perspective…

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