Isabelle Peschard – Science cognitive, Philosophie des Sciences : sur des liaisons tacites mais édifiantes

La façon de concevoir la connaissance immédiate, au travers des sciences cognitives, et la façon de concevoir la connaissance scientifique, au travers de la philosophie des sciences, semblent bien, aujourd’hui, se développer indépendamment l’une de l’autre. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Comment en ait-on arrivé là ? Il est tentant d’en rechercher l’origine dans les bouleversements qui, au 17ième siècle, affectent la conception de la connaissance ; mais où exactement ? Et pourquoi parle-t-on, d’un côté, de science de la cognition, et de l’autre, de philosophie des sciences ? N’est-ce pas là une ironie de l’histoire faite à l’injonction de Frege d’éliminer de la science toute trace de psychologisme pour pouvoir, justement, en faire un objet de science, tandis que la pensée contrevenait à la rigueur logique requise à cette fin ?
Et puis, cette séparation des disciplines, science de la cognition, philosophie des sciences, exprime-t-elle une réelle indépendance, ou même une possible indépendance de leurs enquêtes respectives ? Pour que l’étude de la cognition reconnaisse certaines contraintes formelles comme conditions de scientificité, ne faut-il pas qu’elle admette une certaine conception de ce qui caractérise la connaissance scientifique, agissant alors comme source d’exigence normative sur la forme que doit prendre cette étude ? C’est-à-dire, qu’une certaine philosophie de la science, une épistémologie, lui serve d’assise, de présupposé, quand bien même informulé ? Il semble bien, j’essaierai de montrer, que ce soit le cas ; et que le contenu de cette philosophie soit différent selon le type de conception de la cognition qui est défendu ; et qu’en outre, le développement critique et historique de la science cognitive reflète les moments marquants de celui de la philosophie des sciences du 20ième siècle.
And so ? A quoi bon ? L’intérêt de l’explicitation de ces présupposés épistémologiques des différentes formes de conception de la cognition sera, d’une part, d’éclairer d’un jour nouveau le type de critique qui peut être adressé à une approche non-représentationniste concernant, notamment, une forme d’incohérence logique, d’auto-réfutation, qui minerait la légitimité de ses prétentions scientifiques. D’autre part, de nous indiquer une voie de réponse, épistémologique, à ces critiques. Et enfin, de nous aider à comprendre la possibilité d’une alternative opposant au projet traditionnel de naturalisation des concepts mentaux, de tendance réductionniste ou éliminativiste, un programme neuro-phénoménologique visant à une articulation dynamique et co-contraignante entre comptes rendus d’expérience en première personne et en troisième personne.

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