Guillaume Garreta – Formes et conséquences de l’habitude

L’analyse pragmatiste des conduites humaines proposée par John Dewey ne part pas des motifs ou des représentations des « acteurs », mais s’appuie sur deux instruments essentiels : les notions de situation et d’habitude. Dewey fournit une analyse originale de l’habitude, dont on tentera de cerner les implications majeures. Les théories classiques de l’habitude la définissent généralement, ou du moins expliquent sa formation et son fonctionnement, par la répétition (sous les espèces de l’imitation ou de l’association). Pour Dewey, il n’y a pas de relation interne inéluctable entre habitude et répétition, si on ne fait pas de la première un mécanisme psychologique localisé « dans » un individu. Les habitudes sont avant tout incorporation d’un – et dans un – environnement ; ce sont des « généralités situées », qui sont à l’œuvre dans nos activités les plus « intelligentes » et les moins passives, qu’elles configurent au moins autant que les « routines » ou que la perception. Si elles sont porteuses de régularité, c’est comme formes temporalisées qui organisent des pratiques. Cette approche dynamique a bien pour vecteur principal, nous semble-t-il, l’incorporation de la dimension temporelle dans l’analyse, trop souvent négligée par les conceptions qui n’en font qu’une variable contingente des activités comme de leurs descriptions. On tentera de montrer comment elle conduit Dewey (dès les années 1920) à proposer les linéaments d’une théorie « adverbiale » (et non substantielle) de l’esprit (mind) et de ses manifestations, en étroite conjonction avec une approche contextuelle et inférentialiste de la signification.

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