L’œuvre d’Ernst Cassirer a joué un rôle important dans la formation d’une pensée du symbolique dans l’entre-deux-guerres français. A cette période, le philosophe allemand n’est plus perçu comme un simple représentant de l’Ecole de Marburg. La lecture de Cassirer se fait alors conjointement avec la découverte d’autres œuvres philosophiques : les Français sont ouverts à toute la philosophie et à toute la science allemandes, qu’il s’agisse, selon une distinction que l’on commence à s’approprier, des « sciences de la nature » ou des « sciences de la culture » ; se manifeste également en France un vif intérêt pour le pragmatisme et la logique néo-hégélienne des auteurs anglais et américains, dont les discussions font une large part au signe et à la question du symbolisme. La réception de ces œuvres est enfin dépendante du terreau bergsonien de l’époque, en particulier de la compréhension bergsonienne des relations entre le langage et la pensée. En résultent des conceptions originales du symbolique, dans des champs aussi divers que la psychologie et la linguistique, avec les travaux de Henri Delacroix et d’Ignace Meyerson, l’épistémologie de la physique et des sciences humaines, avec les œuvres d’Emile Meyerson et de Gaston Bachelard, enfin, la psychanalyse, accommodée au « personnalisme » français, avec les tout premiers écrits de Jacques Lacan, qui proposent une théorie originale du symbolique, bien différente de ce que sera la reprise de la notion lévi-straussienne. Notre intervention s’efforcera de réfléchir sur la portée des enjeux philosophiques de ce pan de la pensée française.