Patricia Hernandez – La décoloration de la préposition ‘sur’ : Une explication en termes d’intégration conceptuelle

La décoloration de la préposition sur :
Une explication en termes d’intégration conceptuelle

RÉSUMÉ

Cette étude aborde l’essor de l’emploi de la préposition sur comme simple locatif au détriment de l’emploi du relateur à suivi d’un nom de ville. Après une brève description de la spatialité suggérée par les deux prépositions (l’a-descriptivité de à opposée à la configurationnalité de sur), nous identifierons certains cas de décoloration de la préposition. En effet, dans les configurations canoniques, fortement instituées au niveau cognitif et linguistique, l’affaiblissement de la valeur descriptive de sur aboutit à un flottement avec la préposition à. A ce propos, nous analyserons le cas de l’alternance à Paris / sur Paris en cooccurrence avec des verbes dynamiques ou statiques. L’émergence d’énoncés du type Je travaille sur Paris sera analysée comme un cas particulier d’intégration conceptuelle (Fauconnier & Turner), dispositif associé à la métaphorisation comme élément constitutif du langage. Enfin, cela nous amènera à une nouvelle conception du rapport entre métaphore et préposition, au-delà de l’approche classique en termes de transfert de domaines.

Mots-clés : configuration – décoloration – intégration conceptuelle – localisation – métaphore – préposition

1. Introduction

Nous aborderons un cas particulier : celui de l’emploi spatial sur+ville comme simple localisation, en apparente concurrence avec l’usage de la préposition à dans des énoncés du type « Je suis sur Paris » (Emploi susceptible d’être étendu à l’indication des pays).
Notre objectif est de proposer une explication pour l’essor de cette formulation suffisamment répandue pour faire l’objet d’une étude spécifique. Cette expansion se faisant au détriment de l’emploi de la préposition à, nous serons amenée à nous interroger sur l’éventuelle dissemblance sémantique entre les deux tournures.
Après une description sommaire de la spatialité que chacun de ces deux relateurs aide à construire, nous évoquerons brièvement certains cas d’emploi considérés comme concurrents pour centrer notre étude sur l’alternance à Paris/sur Paris. L’émergence de cette paire, à première vue synonymique, sera traitée en termes d’intégration conceptuelle selon le dispositif mis en place par Gilles Fauconnier et Mark Turner.
L’application du blending sera par ailleurs l’occasion d’une réflexion sur le rapport entre prépositions et métaphore cherchant à dépasser la métaphorisation comme simple mécanisme de transfert entre domaines linguistiques.

2. Concurrence entre à et sur pour l’expression de la spatialité

2.1. L’étude par paires

Manifestation de l’aptitude de l’esprit humain à contraster par le jeu du positif et du négatif, la comparaison inter-prépositionnelle emprunte souvent dans la littérature la forme d’une tension binaire ―les alternances trinomiques du type à/en/dans semblent moins fréquentes― l’objectif de cette démarche étant une appréhension plus fine du sens par confrontation.
Ainsi, Guillaume (1919), Gougenheim (1938), Pottier (1962), Waugh (1976), Guimier (1978), Tamba (1983), Vandeloise (1986), Cadiot (1997 b), Dendale et de Mulder (1998) ―la liste n’est pas exhaustive― adoptent parfois une présentation couplée pour mieux faire ressortir le sémantisme des relateurs. Et ce par une mise en regard antonymique (sur-sous) ou synonymique (en-dans) mettant en lumière avec plus d’acuité la spécificité de chaque marqueur.
Cette formulation dualiste fait souvent écho par ailleurs au clivage entre, d’une part, des prépositions casuelles, vides, abstraites, incolores ― »synsémantiques » selon Pierre Cadiot (1997 a :130)― et, d’autre part, non-casuelles, pleines, colorées ― »autosémantiques »―, polarisation susceptible d’intégrer une catégorie intermédiaire : les prépositions appelées semi-casuelles (De Boer 1926), à demi-vides (Brunot et Bruneau 1933) ou mixtes (Cadiot 1997 a). ―Notons que, ici, le binôme se rapproche d’une formulation ternaire―. Le tout formerait un continuum allant d’un pôle de vacuité occupé par la préposition de, suivie de à et en, jusqu’aux prépositions telles que contre, parmi ou vers, jugées, en général, comme sémantiquement pleines, la partie médiane étant occupée par des relateurs comme par, pour, avec, dans, sur, sous, ayant un sens concret, souvent spatial, mais aussi certains emplois étendus à d’autres domaines considérés comme plus abstraits (Cadiot 1997 a : 130).

2.2. Abstraction vs matérialité

Sous la forme d’une bipolarisation entre abstraction et concrétude, cette tension semble à l’œuvre dans les analyses de la concurrence à-sur. En effet, empreinte de « grammaticalité » (origine latine, multiplicité d’emplois, commutation possible, etc.), la préposition à rejoint dans tous les classements la sphère de l’abstraction tandis que sur demeure souvent ―facultativement, on le verra― plus proche des prépositions au sémantisme plein. Or il faut noter que la catégorisation de sur semble moins stabilisée et, entre autres, accuse le coup d’extensions d’emploi moins aisément qualifiables : considérée comme colorée par Spang-Hanssen (1963) ou pleine par Ruwet (1982), cette préposition est aussi étiquetée comme à demi-vide par Brunot et Bruneau (1933), incolore quoique « moins décolorée » que les autres par Wartburg et Zumthor (1947) et mixte par Pierre Cadiot (1997 a) qui n’hésite pas à la caractériser comme préposition incolore de deuxième génération en vertu de la multiplication d’emplois nouveaux dont elle fait l’objet ; Ludo Melis (2003) emploie le terme de préposition blanchie. Autrement dit, dans les classements prépositionnels, sur semble parfois naviguer entre matérialité et abstraction se situant dans le no man’s land des relateurs mixtes au niveau de stabilisation en cours d’évolution.
Dans le domaine spécifique de la spatialité, la polarisation abstraction-matérialité se traduit par une distinction entre localisation et configuration. La localisation, conçue comme une relation fonctionnelle (Vandeloise 1988 :120) semble correspondre en grandes lignes à un repérage abstrait dépendant de la spécificité du site et de la connaissance partagée. En revanche, la configuration suppose une opération de type plus descriptif, moins dépendante des scénarios établis. Aux emplois localisateurs de à s’opposeraient donc les usages configurationnels de sur où l’on pourrait déceler la distinction entre inférence (prépositions incolores) et codage (prépositions colorées) (Cadiot 1997 a). Or, ici encore, la particule sur connaît, nous le verrons, des emplois moins typiques qui pourraient faire penser à un déplacement graduel de ce relateur vers la zone abstraite de la localisation, donc du codage vers l’inférence.
Nous évoquerons rapidement les principales caractéristiques de ces deux prépositions.

2.2.1. L’ a – descriptivité de à

Marqueur directionnel et situatif, la préposition à, pointant vers la partie terminale d’un mouvement d’approche, imprègne de ponctualité―certains parlent d’éloignement voire d’absence du champ visuel (Herskovits 1981, Vandeloise 1988)― l’espace non franctionné qu’elle aide à construire, sans qualifier les désignations de localisation évoquées.

Paul va / est à Paris

Le repérage construit par à, marqueur essentiellement économique, fait appel à la connaissance partagée et joue sur les inférences découlant d’un rituel connu. D’où la composition d’une image abstraite, synthèse de l’expérience, sans détails contingents, évoquant une situation typique sur la base d’une routine d’interaction conventionnalisée dans un espace idéalisé.

Paul va / est au bureau

Ce qui se traduit dans le discours par la résistance du relateur à l’indétermination, l’acceptabilité de à dans des énoncés localisants étant proportionnelle à la spécificité de la position du site (Vandeloise 1988).

Paul va / est au bureau
Paul va / est à un bureau

L’activation d’un scénario typique peut être déclenchée par toute entité ayant une valeur culturelle ou symbolique suffisamment instituée : une institution possédant un siège physique ou non, un objet déterminant une attitude posturale particulière ou un événement, un rituel social, une activité.

Paul est à l’Université
Paul est au piano
Paul est aux sports d’hiver

D’où la capacité de cette préposition à participer à des processus de dématérialisation de l’objet prépositionnel sur la base de la généricité du repère donné.

Paul est au lit vs Paul est dans le lit/ Paul est sur le lit

Les énoncés Paul est dans le lit ou Paul est sur le lit évoquent une description spatiale ; la saillance matérielle du lit dans cette configuration est beaucoup plus importante que dans Paul est au lit, formulation voisine de Paul est alité.

C’est l’existence d’un rituel connu qui aboutit à la création d’un lieu-fonction (Cadiot 1997 b : 220). C’est pourquoi à suppose un rapport fonctionnel nécessairement pertinent (Vandeloise 1990). L’énoncé

*Le chien est à l’école

(à moins d’imaginer un scénario de dessin animé ou de fiction) apparaîtra donc comme « anormal » puisqu’il n’existe pas, dans la connaissance communément partagée, d’interaction typique entre un chien et une école.

Le portrait, composite, de la préposition à, pourrait donc contenir les traits suivants :

Directionnalité
Ponctualité
Localisation
Généricité
Idéalisation de l’espace
Activation d’un scénario typique

Ces trois dernières caractéristiques ouvrent la voie d’une nouvelle description de l’abstraction attribuée traditionnellement à la préposition à : celle de relateur a-descriptif .

2.2.2. La configurationnalité de sur

La préposition sur a des emplois communs avec à comme terme directionnel susceptible d’emplois statiques ou dynamiques en vertu du principe d’anticipation (Vandeloise 1987) selon lequel la préposition décrit la configuration spatiale au terme de la trajectoire de la cible. ―Nous empruntons à Claude Vandeloise les termes cible (objet à localiser) et site (objet localisateur).

Je suis à la plage / Je vais à la plage
Je suis sur la plage / Je vais sur la plage

Cependant, alors que à suppose une approche a-descriptive, sur semble marquer des mouvements orientés
Grimper sur un arbre
Tomber sur le plancher
Se jeter sur quelqu’un

La préposition sur contribue à la configuration d’un espace physique perçu non pas de manière générique, comme dans le cas de à, mais dans sa particularité. La preuve en est la grande plasticité combinatoire du relateur avec son environnement linguistique

Le livre est sur le/ce/mon/un bureau

La configurationnalité de sur semble apte à décrire un espace particulier avec moins de contraintes de pertinence, comme l’illustre la différence d’acceptabilité entre :

?Le chien est au lit
Le chien est sur le lit

En effet, nous l’avons dit, la préposition à suppose une interaction typique, alors que sur permet de décrire des scènes spatiales particulières.

Les critères généralement évoqués pour la caractérisation de ce marqueur sont plus ou moins liés à la prégnance de la gravitation, à commencer par la notion de position supérieure sur l’axe vertical

L’avion vole sur la ville

et de poids, susceptible d’une lecture physique ou notionnelle

Porter un fardeau sur ses épaules
Avoir quelque chose sur les bras

qui, par le biais de l’idéalisation d’une charge, induit la construction du concept d’opposition à la pesanteur, de support et de contact.
L’orientation haut-bas se trouve en outre liée à l’idée de recouvrement et de visibilité (Cadiot et Visetti 2001).
Deux considérations à propos de cette notion : d’abord, le recouvrement du site, dont la partie en contact avec la cible demeure cachée par cette dernière, ensuite, la saillance perceptuelle de la cible offerte à la vue de l’observateur. Le site support introduit par sur semble assurer à la cible un socle pour l’ostension.

La statue sur la place
La tasse sur la table

La mise entre parenthèses de l’effet de la pesanteur réoriente le rapport de superposition sur un axe horizontal

Une affiche sur le mur

Le poids devenant une donnée moins manifeste, le contact est souvent appréhendé en termes d’adhérence

Une inscription sur un mur

La directionnalité de la préposition correspond au franchissement d’une limite (Pottier 1962), à l’atteinte d’un objectif :

Marcher sur Paris

Pour conclure, voici les notions généralement associées à sur :
Configuration spatiale
Contingence
Extériorité
Contact
Superposition
Poids (support/charge)
Directionnalité
Atteinte d’un objectif
Perspective
Visibilité
Contraste

2.3. La décoloration partielle de sur

De par leur fixation dans l’expérience collective et la mémoire linguistique, certaines configurations spatiales deviennent canoniques, se trouvent associées à un scénario typique et font l’objet d’une telle conventionnalisation qu’elles se trouvent en concurrence avec de simples localisations.

Voir une affiche sur le mur / au mur
Être sur la plage / à la plage

D’où l’émergence d’une alternance à/sur découlant d’un figement de l’emploi et, par voie de conséquence, d’une atténuation de la valeur descriptive du relateur configurationnel. Effectivement, l’habitude d’un usage institué peut faire évoluer les rapports spatiaux de la configuration vers la localisation. La relative banalisation et l’éventuel figement d’une alternance entre emplois localisateurs et configurationnels pouvant conduire à un flottement, possible indice de décoloration partielle de la préposition sur.

Comme le signalent Cadiot et Visetti (2001 : 26), dans

Les enfants jouent sur le trottoir

la région d’interaction se trouve « investie dans la construction d’espaces fonctionnels plutôt que physiques ». On voit ainsi apparaître pour les énoncés en sur la notion de lieu-fonction.
Sur semble donc jouer sur différents registres de configurationnalité : plus la scène évoque une configuration particulière, plus l’emploi gagnera en force descriptive ; en revanche, les configurations instituées comme canoniques amenuisent cette force descriptive et tendent vers le simple repérage. Comparons par exemple, le rôle de la préposition dans

Le chien est sur le lit
La tasse est sur la table
Paul est sur la plage

Il est évident que dans le cas du chien, sur le lit est une configuration particulière qui s’oppose, par exemple, à sous le lit en vertu d’une certaine instabilité dans l’ancrage d’une interaction typique alors que la tasse est sur la table constitue une interaction quasiment instituée par l’expérience quotidienne avec moins de force configurationnelle et que Paul est sur la plage tend vers la simple localisation. Dans ce dernier cas, il s’agirait d’une configurationnalité affaiblie ou d’une localisation sur un support. Car la composante descriptive ne disparaît pas :

Paul est à la plage / sur la plage
Paul est à l’école / ? sur l’école
Paul est au cinéma / ? sur le cinéma

Dans le cas de la plage, l’alternance entre à et sur n’entraîne pas de blocages majeurs pour l’interprétation de ces deux énoncés comme indicateurs de localisation. En revanche, avec des sites fermés (école, cinéma) les énoncés localisateurs en sur génèrent des doutes et l’alternance à-sur ne se fait pas sans interprétations divergentes : l’idée de support véhiculée par sur induit des configurations considérées comme anormales.

Parallèlement, moins la routine sociale ―et partant la mémoire linguistique― sont instituées, moins l’emploi de à semble acceptable, comme le suggèrent les exemples suivants de Claude Vandeloise (1990 : 172) :

Le tableau est au mur / *Le tableau est à la paroi
Le chapeau est au porte-manteau / *Le chapeau est à la branche

Il serait donc possible de concevoir un partage des tâches entre à et sur dans le cas des scènes particulières, non associées à des fixations linguistiques où la localisation a-descriptive s’avère insuffisante à assurer un repère pertinent

L’affiche sur la paroi / *L’affiche à la paroi

et des emplois concurrents lorsqu’il existe une atténuation de la valeur descriptive de l’énoncé à la suite d’un ancrage cognitif et linguistique accompagné d’une décoloration partielle de sur, en vertu d’un principe d’économie cognitive pour les situations typiques

L’affiche sur le mur / L’affiche au mur

Ce flottement semble répondre, d’une part, au procès d’abstraction auquel se trouve soumise la localisation induite par à et, d’autre part, à l’extension des emplois de sur, consécutive à un adoucissement de sa spécificité configurationnelle : le relateur de superposition apparaît de nos jours en alternance avec à, vers, voire dans (dans le journal/sur le journal).
Nous refusons d’attribuer cette alternance à la seule érosion de à dont l’emploi locatif, selon Goyens, Lamiroy et Melis (2002 : 298) serait de plus en plus marginal au point d’être sévèrement concurrencé par sur en emploi directionnel et dans en emploi positionnel. D’abord, il ne s’agit pas, à nos yeux, d’une simple régression de à mais d’un phénomène complexe mettant en jeu la place respective de plusieurs prépositions ; ensuite, les emplois de sur et de dans semblent moins codés que ne l’avancent les auteurs puisque je vais / suis à Paris n’alterne pas systématiquement avec je vais sur Paris et je suis dans Paris (formulation possible, bien sûr, mais comportant une variation sémantique) ; enfin, la préposition sur ne semble pas exclusivement spécialisée dans les emplois directionnels mais apparaît même en emploi situatif : je vais / suis sur Paris. C’est justement cette ambivalence de sur, qui semble à la base des nouveaux emplois. Un exemple emblématique de ce phénomène est fourni par l’essor de la formulation localisatrice sur+ville en alternance avec à+ville.

3. Le cas de l’alternance à/sur + ville

Si, à l’époque classique, la préposition à pouvait être employée dans le sens de sur, emploi illustré par « Les cheveux cependant me dressent à la tête » (Boileau, cité par Brunot 1953 : 427) ou « Nous jurons…/De rétablir Joas au trône de ses pères » (Racine, cité par Brunot et Bruneau 1956 : 423), le rapport de forces semble s’être bel et bien inversé. Une concurrence croissante semble s’installer entre à et sur pour l’expression de la localisation spatiale, notamment devant les noms de ville. Denis Slakta fait remarquer que la préposition à cède du terrain, de même que dans, devant l’avancée spectaculaire de sur. Le linguiste relève, entre autres, l’alternance Je travaille à /sur Paris. « Les gens de ma génération, souligne-t-il, emploient à et dans ; nos enfants, sur » (Slakta 1990 : 102-103).
Sur empiète en outre sur le territoire de la préposition vers qui partage avec le relateur à la notion de direction. Dans le Dictionnaire Bordas des pièges et des difficultés de la langue française, J. Girodet (1997 : 741) critique la formulation Les automobiles se dirigeant sur Paris au lieu de vers Paris. Péchoin et Dauphin, dans le dictionnaire des difficultés Larousse/Bordas (1998 : 551) en font autant pour Les véhicules se dirigeant sur Lille. B. Poirot-Delpech (Le Monde, 21 février 1990) cité par J.-P. Colin, du Robert des difficultés (1994 : 583), résume : Sur « est en train de supplanter toutes les prépositions de lieu. Non seulement on rentre sur Paris, mais on travaille sur la capitale à la façon dont les vendeurs, jamais en retard sur une métaphore guerrière, mettent le paquet sur une région, sur un produit ».

Faut-il croire, comme le soutient Jean-Paul Colin (1994 : 583), que « cet emploi n’ajoute rien à la préposition à » ? Pour pouvoir répondre à cette question, nous chercherons, derrière l’emploi plus ou moins réfléchi du locuteur naïf, une impulsion ―dans le sens employé par Vandeloise (1986 : 71) i.e. « le nœud par lequel s’effectue le premier accès au réseau de significations d’un terme »― susceptible d’expliquer ce processus créatif qui consiste dans l’apparition de sur à la place de à dans des combinaisons inédites.
Nous proposerons une explication de ce nouvel emploi en analysant les traits historiquement associés à sur susceptibles de générer une alternance avec à, en mesurant la portée de la concurrence entre les deux relateurs, en étudiant l’environnement linguistique où se produisent ces commutations et en proposant un traitement théorique en termes d’intégration conceptuelle.

3.1. Traits historiquement associés à sur susceptibles de générer une alternance avec à

Pour comprendre l’origine de cette formulation, il convient d’analyser les traits de la préposition affins avec ce nouveau sens. Si le binôme à-sur semble s’opposer par le contraste abstraction-matérialité et, dans le domaine de l’espace, les oppositions entre localisation-configuration, les descriptions de chacun des deux marqueurs, présentent un trait commun, celui de la directionnalité.
En effet, outre le marquage de la superposition, sur a un sens directionnel relevé par la plupart des études diachroniques. Ainsi, selon G. Moignet (1973 : 325), l’ancienne préposition sor désignait « la direction d’un mouvement, un point de visée, un lieu d’impact » :

« Si l’ad ferut sur l’escut de Tulette,
Que mort l’abat desur l’erbe verte » (Roland, 1611)

Lorsque ce lieu d’impact était un nom de personne, l’être en cause était vu non plus comme destination d’un mouvement mais comme « objet d’hostilité, d’attaque » au sens de contre [1] :

« A tant s’en parti li rois et ala a ost sor Tholomer » (Queste, 32,32)

3.2. Traits associés à sur en synchronie

En synchronie, les grammairiens sont unanimes à signaler le caractère directionnel de sur en y ajoutant des notions telles que :

– la rapidité : Georges Gougenheim (1938 : 301) signale que, alors que à marque le terme d’un mouvement (je vais à Paris), sur indique la direction d’un mouvement rapide (l’ennemi marcha sur Paris). Ebbe Spang-Hanssen (1963 : 236) insiste lui aussi sur l’idée de rapidité (« Isaïe choisit un sentier qui piquait directement sur l’église et continuait vers le hameau des Vieux Garçons », Troyat [2])

– l’hostilité, marquée par E. Spang-Hanssen (« Comme il marche sur elle, elle bondit et recommence à courir », Colette)
-le franchissement d’une limite : signalé par Bernard Pottier (1962 : 235) qu’il exemplifie par l’énoncé Je travaille sur Marseille

– l’idée de but précis d’une opération, de l’avis de Jean Cervoni (1991 : 229) qui, suivant le point de vue de Brøndal, relève l’emploi de sur dans le langage militaire, par exemple « il se dirigea sur Amiens ».
Une rapide analyse des exemples cités permet de dégager quelques traits particuliers de cet emploi : d’abord, avec un site inanimé, le marquage d’une direction (en concurrence avec à et vers), ensuite, l’expression de l’hostilité (en concurrence avec contre), enfin, une nuance de rapidité. Synthèse des trois caractéristiques, l’expression marcher sur + ville évoque une armée qui, avec un objectif de conquête, se déplace dans une direction précise et agit avec promptitude : « Le 7e corps […] marcherait immédiatement [3] sur Mlawa » (Louis Madelin cité dans Le Grand Robert).
C’est peut-être une vision du monde économique en termes de campagne militaire qui joue en faveur de l’essor de sur+ville, sur la base de l’idée d’occupation de territoire, issue du marketing et de la distribution comme le signale à juste titre B. Poirot-Delpech (Cf. supra), les métaphores guerrières étant fréquentes dans le vocabulaire économique. De sorte que des emplois du type avoir x magasins sur Paris, distribuer ses produits sur la France entière reviennent naturellement, de nos jours, dans le discours des stratèges du commerce. À titre d’exemple, citons les propos du responsable du Poste d’Expansion Économique à Saint Pétersbourg dans la rubrique Les Français dans le monde sur RFI le 7 mars 2000 : « Le risque sur Saint-Pétersbourg est plus faible, plus gradué… » Le journaliste a tout de suite demandé : « Pourquoi venir sur la Russie ? »
Reste que, à l’heure actuelle, cet emploi déborde l’univers du marketing et des affaires pour gagner progressivement le discours quotidien comme le confirme le témoignage d’André Goosse (2000 : 132) :

« J’ai été frappé le jour où mon hôtelier habituel m’a accueilli par : Alors on est de nouveau « sur Paris ? » »

ou celui de Jacques Delattre (2003) :

« À l’affreux « J’habite sur Paris » ou « sur le Xe arrondissement », répond maintenant un « J’habite sur France mais je travaille sur Suisse » (sic ! Phrase entendue en Haute-Savoie) ».

Essayons de cerner l’ampleur du phénomène.

3.3. L’essor spectaculaire de sur

Un survol des petites-annonces personnelles (correspondant à un discours spontané avec tous les traits de l’oralité) est, à ce propos, assez éclairant. La préposition sur se trouve en cooccurrence non seulement avec des verbes de mouvement comme arriver, aller ou venir en emploi congruent avec leur directionnalité, mais aussi, et voilà qui est étonnant, avec des verbes |dépourvus, en principe, de cette notion : être, habiter, rester, travailler voire dormir. Voici les résultats d’une recherche, effectuée sur Yahoo France les 8 et 9 mars 2006 [4], sur des énoncés situatifs suivis des syntagmes à Paris / sur Paris en emploi concurrent :

à Paris
Verbes cooccurrents Nombre d’occurrences
Je suis 38 300
J’habite 33 900
Je travaille 418
Je reste 434
Je dors 14

sur Paris
Verbes cooccurrents Nombre d’occurrences
Je suis 56 200
J’habite 804
Je travaille 250
Je reste 133
Je dors 8

On le voit, à l’exception de habiter majoritairement construit avec à, des verbes généralement statifs rentrent, en nombre élevé, dans des énoncés avec sur. Détail frappant, en cooccurrence avec être, sur l’emporte sur à. L’ampleur du phénomène mérite que l’on s’y arrête [5].

3.4. L’environnement linguistique où se produisent ces commutations

La lecture des trente premières occurrences des énoncés en sur met en lumière la cooccurrence récurrente de cette formulation avec des notions telles que

– Le bornage temporel :

Je suis sur Paris depuis quelques années /six ans /sept mois
cela ne fait pas longtemps que…
ça fait un mois /deux ans
pour faire un stage de trois mois / six mois
toute la semaine jusqu’au vendredi non compris
pendant la semaine qui arrive et en vacances
si c’est au mois de décembre
moi perso je viens de la campagne et je suis sur Paris depuis six ans

– L’expression de l’exception :

Si je fais le pont mais je reste sur Paris il faut que je bosse sur mon mémoire
Une fois n’est pas coutume, je reste sur Paris ce soir
Moi je descends pas, je reste sur Paris tout juillet

– La disjonction spatiale :

J’habite en province/en région/la banlieue mais je travaille sur Paris,
Je travaille sur Paris et j’habite assez loin/à l’Essonne, je vis à Enghien, je suis sur Arpajon
Je travaille sur Paris mais je rentre souvent sur la région de Vichy

Bref, que ce soit par bornage temporel, par exception ou par disjonction spatiale, le caractère situatif des énoncés en sur semble généralement lié à une situation relativement récente ou susceptible de changer prochainement ou soumise à une variation habituelle, en tout cas provisoire plutôt que définitivement établie, autrement dit, les énoncés en sur seraient empreints d’une certaine mobilité.

Une recherche de possibles contre-exemples sur Yahoo France (annonces personnelles, forums, sites variés) le 19 septembre 2006, semblerait confirmer notre intuition. D’abord, il faut noter le manque de cooccurrence de sur Paris avec des termes dénotant une localisation stable.

à Paris
Expressions cooccurrentes Nombre d’occurrences
J’ai toujours vécu 76
J’ai passé toute ma vie 2
Je me suis installé définitivement 2
J’ai élu domicile 1
J’ai élu domicile 0

sur Paris
Expressions cooccurrentes Nombre d’occurrences
J’ai toujours vécu 0
J’ai passé toute ma vie 0
Je me suis installé définitivement 0
J’ai élu domicile 0

En outre, et sans que cela ait un caractère définitoire, certaines formulations relatives au commencement de l’existence et à la cessation de la vie, n’acceptent que très rarement la préposition sur :

à Paris
Expressions cooccurrentes Nombre d’occurrences
Je suis né 886
Il est mort 599

sur Paris
Expressions cooccurrentes Nombre d’occurrences
Je suis né 3
Il est mort 1

Remarquons que les trois occurrences de Je suis né sur Paris sont suivies d’une expression de contradiction manifestée par un manque d’adhésion aux valeurs/habitudes du lieu de naissance ou par un départ précipité :

Je suis né sur Paris mais je suis totalement pour l’OM…
Je suis né sur Paris mais je crois que je ne m’habituerais [sic] jamais…
Je suis né sur Paris (et j’y habite) mais deux jours après ma naissance, j’étais en Bretagne ! Car…

Ce dernier énoncé qui semblerait contenir autant un contre-exemple (et j’y habite) qu’une nuance de contingence (deux jours après ma naissance j’étais en Bretagne) met en évidence la nuance de discontinuité présente dans les formulations en sur.
À noter que la localisation induite par la préposition à peut être définitive ou provisoire comme l’illustre l’énoncé

Je suis né à Paris mais je suis vite parti

Autrement dit, alors que à peut indiquer autant la localisation stable que le situation provisoire, la préposition sur semble induire un séjour provisoire, quelle qu’en soit la durée.
Quant à la seule cooccurrence de sur Paris avec le verbe mourir, elle apparaît comme étant peu représentative car elle ne réfère pas à la ville de Paris proprement dite mais au point de départ d’un trajet :

alors le titre de ton topic n’est pas bon puisqu’il est mort sur Paris-Nice masi [sic] bon après tout on s’en fout

Il semblerait donc que les énoncés en sur convoquent des marqueurs de mobilité (statut provisoire ou mobile de la localisation spatio-temporelle), refusant les indications de stabilité spatio-temporelle, voire, notionnelle.

Sur la base de l’intrication entre conceptualisation et mise en mots, nous analyserons si cette extension de l’emploi de sur peut être traitée comme un cas particulier d’intégration conceptuelle à l’origine d’un assemblage original.

4. L’ intégration conceptuelle

Élaboration complexe de la théorie des espaces mentaux (Fauconnier 1984), l’intégration conceptuelle, intégration bilatérale ou blending est conçue par Gilles Fauconnier et Mark Turner comme un mécanisme d’assemblage sélectif de données associées à des espaces d’entrée disjoints. Cette opération cognitive générale et inconsciente, à l’œuvre dans la résolution de problèmes, la conception d’unités abstraites ou le raisonnement analogique, transparaît à travers différents phénomènes linguistiques tels que les énoncés contrefactuels, le figement de certaines constructions causatives, des procédés rhétoriques et la production de métaphores (Fauconnier 1997).
Des exemples, largement répandus dans la littérature, tels que l’énigme du moine bouddhiste, le débat avec Kant ou la régate San Francisco-Boston illustrent ce dispositif. En effet, la superposition des deux voyages du moine pour retrouver l’endroit où il s’est trouvé à la même heure le jour de son ascension et celui de sa descente, le dialogue fictif, dans une classe au XXe siècle entre un professeur de philosophie et Kant, ainsi que la compétition, en 1993, entre le catamaran Great America II et le clipper Northern Light, vainqueur de la course en 1853, mettent en lumière l’existence de projections sélectives vers un espace mental de mixage aboutissant à une construction de l’esprit qui intègre de manière syncrétique des entités et des procès spatio-temporellement disjoints.
Un exemple emblématique de l’intégration conceptuelle appliquée à l’analyse de la métaphore est celui du chirurgien boucher (Fauconnier 1997 : 186-187) où le blending permet de dépasser les difficultés générées par la simple mise en correspondance entre deux domaines et de produire les inférences nécessaires à l’explication de paradoxes apparents grâce à l’introduction d’un espace intégrant opérant sélectivement.
Bien entendu, l’analyse en termes de blending ne saurait mettre entre parenthèses la strate indexicale (Cadiot et Visetti 2001), incontournable pour l’explication de l’énoncé. En effet, les propriétés extrinsèques (i.e. modes d’accès aux objets) couramment attribuées aux lexèmes boucher et chirurgien jouent un rôle de premier plan dans l’orientation dépréciative ou méliorative de l’énoncé analysé comme il s’ensuit des tests d’inversion syntagmatique (ce boucher est un chirurgien) et de substitution paradigmatique (ce boucher est un ciseleur) effectués par Philippe Gréa (2003).

4.1. Description sommaire du dispositif

Sans évoquer en détail le dispositif de Fauconnier et Turner, résumons son fonctionnement : soit deux espaces mentaux séparés, considérés comme espaces d’entrée, la créativité humaine exploite les relations de ressemblance entre les deux, d’abord en dégageant un espace générique qui contient des éléments communs aux deux inputs, ensuite en projetant sélectivement ―cette opération s’avère cruciale― certains éléments des deux espaces d’entrée qui se combinent dans un espace intégrant générant une structure émergente originale susceptible de résoudre d’apparentes incongruités.
Il faut le souligner, Fauconnier et Turner conçoivent l’intégration conceptuelle comme une opération cognitive générale, dynamique, souple et active constituant une sorte de processus central, uniforme et omniprésent (1998 : 4). Il s’agit d’un processus d’innovation inconscient qui permet de développer de nouveaux sens, de comprendre des ensembles conceptuels disparates et de les comprimer en un seul espace mental susceptible d’être aisément appréhendé et manipulé (Turner 2000 : 4). Comme le signale Michel Charolles, « le blend n’est qu’une construction de l’esprit qui est exploitée à des fins heuristiques » (2003 : 12).
Ajoutons que ce mécanisme inconscient doit être compris de manière dynamique, sans étapismes, mobilisant des strates de sens instables et à l’œuvre simultanément. À ce propos, citons la remarque de Cadiot et Visetti (2001 : 207) : « le rapprochement du chirurgien et du boucher crée une figure composite, non pas statique mais oscillante, où chacun domine tour à tour, tout en gardant les traces d’une contamination par la figure de l’autre » (c’est nous qui soulignons).
Sur cette base théorique, nous appliquerons ce dispositif à l’analyse des mécanismes à l’œuvre dans la production, non pas de métaphores prédicatives, mais d’énoncés comportant, avec un nom de ville, l’emploi métaphorique de la préposition sur à la place de à, exercice périlleux qui nous amènera à adapter le mécanisme d’origine.

4.2. L’alternance à/sur + ville : émergence d’une figure composite

Nous analyserons l’expression localisatrice je travaille sur Paris se substituant à je travaille à Paris comme étant le résultat d’une intégration conceptuelle au départ de deux espaces d’entrée disjoints.
Notons que le mécanisme, tel qu’il a été employé jusqu’à présent, semble fonctionner sur la base de deux inputs déjà donnés par l’énoncé à analyser ; l’énoncé « Ce chirurgien est un boucher », par exemple, détermine d’emblée deux espaces initiaux : celui du chirurgien et celui du boucher. Or le cas qui nous occupe s’avère moins évident : les formulations de sur+ville ne font pas état, en apparence, d’une telle dualité. Aussi chercherons-nous, avec la part d’arbitraire que cela comporte, deux énoncés susceptibles de fournir deux espaces initiaux. Pour cela nous aurons recours à deux phrases attestées en langue correspondant à des emplois prépositionnels canoniques susceptibles d’expliquer un emploi innovant.
Pour expliquer l’émergence de « je travaille sur Paris » en emploi locatif, nous aurons recours à l’énoncé locatif canonique « je travaille à Paris » que nous placerons dans l’espace initial 1. Pour l’emploi de la préposition sur sans configuration d’une superposition (ce qui aboutirait à une scène spatiale considérée comme « anormale »), nous partirons d’une formulation attestée dans les dictionnaires et les grammaires coïncidente avec les traits décrits en 3.1. et 3.2., « je marche sur Paris » qui déterminera l’espace initial 2. Cette formulation synthétise d’ailleurs les traits directionnels du relateur.
Ces deux espaces initiaux regroupent des entités et des relations impliquées dans les événements évoqués : schématiquement une cible, (l’actant je), une action (travailler, marcher), et un site (Paris) liés par une relation spatiale.

L’input 1 (Je travaille à Paris) regroupe donc l’actant (je), son action, le travail, opération suivie effectuée avec plus ou moins d’effort pour obtenir un résultat, et un site, la ville de Paris, lieu d’exercice de l’activité professionnelle. L’emploi du relateur à met en jeu une lecture localisatrice : la ville, comme lieu ponctuel, est le décor d’une action répétée, ce qui marque la coïncidence spatiale de la cible et du site. Notons que, dans cette analyse, il ne s’agit pas de cantonner la préposition à aux emplois statiques, puisque ce relateur a aussi une valeur dynamique et qu’il ne s’agit pas non plus de discrétiser le statisme et la directionnalité.

L’input 2 (Je marche sur Paris) contient l’actant (je), son action, la marche, c’est-à-dire le déplacement vers un objectif avec l’idée de mouvement suivi, et un site, la ville de Paris. L’emploi du relateur sur active une interprétation particulière du verbe marcher, celle du domaine militaire et du mouvement de troupes avec un objectif de conquête qui rejaillit sur les éléments en cause : l’actant semble dynamisé ; la ville n’est plus le décor de l’action mais une place à prendre, le terme d’une trajectoire ; l’action de marcher dépasse la notion de déplacement pédestre pour gagner le sens d’une projection ; la relation spatiale devient celle d’un mouvement directionnel d’approche de la cible vers le site, conçu comme objectif. Le scénario se complète par des valeurs associées au mouvement d’une armée : agressivité, rapidité, accessoirement esprit de conquête.

Entre les deux espaces initiaux, des correspondances s’établissent selon des relations de similarité entre actants, d’analogie entre deux processus, et d’identité du site. Une projection vers un espace générique permettra de rassembler les traits communs aux deux inputs à savoir : cible (je), site (Paris), relation spatiale entre deux processus en cours et activité suivie tendant vers un objectif.

Une projection sélective sur un espace intégrant aboutira à l’émergence d’une structure originale. À l’espace d’entrée nº 1 nous emprunterons la notion de processus continu localisé sur un site (je travaille). De l’espace initial nº 2 nous prendrons la directionnalité (i.e. la non coïncidence spatiale) et la mobilité avec une nuance de rapidité véhiculées notamment par la préposition sur. Ces éléments seront fusionnés pour constituer un tout signifiant : Je travaille sur Paris. Cet énoncé, tout en gardant inchangés cible et site, présente une relation spatiale inédite qui par un effet de halo modifie les éléments en présence : le choix du relateur sur apporte un dynamisme spécial à la situation évoquée. Ainsi, l’activité présentée comme spatialement fixe dans l’espace source nº 1 acquiert une nuance apparemment paradoxale de non coïncidence (de disjonction), de mobilité. On comprend que le processus, en l’occurrence l’activité professionnelle, est dès lors enrichi par des traits que le domaine militaire de l’espace initial nº 2 comporte comme étant associés au mouvement : réactivité, autonomie. C’est pourquoi je travaille sur Paris suppose que l’actant ne se conçoit pas lui-même comme étant à Paris mais comme effectuant un mouvement d’approche qui met en relief la non coïncidence avec l’élément localisateur et sa propre autonomie spatiale : le travailleur semble avoir moins d’attaches, le site devient un repérage peut-être provisoire, en tout cas non définitif [6]. De sorte que sur apporterait aux énoncés une nuance de mobilité, d’autonomie, de réactivité, d’indépendance, notions valorisées à l’heure actuelle et présentes dans le discours quotidien. En effet, le lieu support se trouve appréhendé comme base et approprié par l’acteur dont l’indépendance apparaît comme étant mise en exergue.
Bien entendu, ce processus ne saurait être envisagé comme une convocation de composantes semi-arrêtées en langue, mais comme une transaction constante qui rejaillit sur les éléments mis à contribution. Ainsi espaces initiaux, espace générique et espace intégrant se trouveraient simultanément à l’œuvre dans la génération du sens et seraient à leur tour retravaillés par cette interaction.

Cette opération d’assemblage satisfait aux critères optimaux énoncés par Fauconnier et Turner (1998 : 27) pour le processus d’intégration conceptuelle :

– intégration (integration) : la formulation émergente je travaille sur Paris peut être interprétée comme une unité ;

– topologie (topology) : les éléments de l’espace 1 trouvent leur contre-partie dans l’espace 2 (cible, site, processus, relation spatiale) ;

– réseau (web) : les connexions entre le blend (je travaille sur Paris) et les espaces d’entrée (je travaille à Paris et je marche sur Paris) sont maintenues ;

– bonne raison (good reason) : les éléments qui apparaissent dans le blend sont signifiants, se trouvent reliés aux espaces initiaux et remplissent une fonction dans l’intégration conceptuelle (cible et site, processus signifié par le verbe travailler, directionnalité et mobilité marquées par sur).
Seul le démontage (unpacking), c’est-à-dire la reconstruction des espaces d’entrée et du réseau des connexions semble avoir une assise plus fragile puisque l’énoncé à analyser, comme nous l’avons signalé, ne contient pas les deux espaces d’entrée : si le blend semble permettre la reconstruction de l’espace d’entrée 1 (je travaille à Paris), l’espace initial 2 (je marche sur Paris) n’est pas directement évoqué par l’espace intégrant.

Par rapport à l’application du blending à des formulations similaires, on pourrait imaginer, et cela de manière intuitive, qu’un processus d’intégration conceptuelle serait également être à l’œuvre dans le cas des constructions avec des verbes moins processuels que travailler, tel le cas de être, habiter, rester, dormir que nous avons trouvés en cooccurrence avec sur dans les petites-annonces en ligne. Dans ces cas, une nuance de mobilité et l’indication d’une situation appréhendée comme provisoire seraient apportées aussi bien par le contexte que par l’emploi du relateur. En effet être sur Paris semble localiser tout en permettant de concevoir le fait de, tôt ou tard, ne pas être à Paris, ou d’être ailleurs. La possibilité de localiser tout en marquant la disjonction contribue ainsi à la création d’une figure composite, fixe et mobile en même temps.

Or, malgré le caractère à première vue artefactuel de l’intégration conceptuelle que nous venons de proposer pour expliquer l’émergence de l’emploi analysé, il faut noter que cette opération s’inscrit dans un processus métaphorique à l’œuvre dans le discours, processus inhérent à la mise en mots.

5. Métaphore et emplois prépositionnels

En effet, la conception du processus de métaphorisation comme forme constitutive autant du langage que de notre conceptualisation du monde dans un acte de voir comme installe les figures dans le discours quotidien comme éléments naturels de cette activité « essentiellement tropologique » (Cadiot et Visetti 2001 : 205) qu’est le langage.
Sujet de choix de la linguistique, la métaphore apparaît désormais non seulement comme un mécanisme productif en sémantique lexicale mais aussi comme un outil d’analyse des emplois moins typiques des unités grammaticales. Ainsi, plusieurs études ont abordé la métaphorisation comme moteur de certaines extensions des emplois prépositionnels notamment par un transfert du concret vers l’abstrait, appréhendé généralement comme un débordement du spatial vers le temporel et le notionnel.
Ainsi Claude Vandeloise (1986, 1998) analyse les prépositions avant/après à l’aide du concept de la rencontre potentielle, Jean-Claude Anscombre (1993) transpose au domaine du temps les propriétés des relateurs sur/sous en emploi spatial. L’extension espace>notion par métaphorisation apparaît, selon Danièle Van de Velde (1998) dans certains emplois des prépositions dans, en et chez suggérant, pour certains états, l’image d’un individu plongé dans un milieu liquide (« Je suis (plongé) dans le désespoir ») ou dans l’évocation de certaines activités comme des flux liquides (« Je suis en plein travail »). Patrick Dendale et Walter De Mulder (1998) attribuent à un transfert métaphorique l’emploi non spatial de sur (« Le malheur est sur cette famille », « Le pouvoir du roi s’exerçait sur vingt millions de sujets », « jeter un voile pudique sur un scandale », etc.).
On le voit, dans certaines analyses, la métaphorisation des emplois prépositionnels apparaît, à des degrés variables, comme un processus d’extension faisant déteindre sur d’autres domaines mécanismes et symbolisations typiques de la spatialisation et engageant dans ce voyage sémantique des syntagmes nominaux voire des énoncés.
Or si « le malheur est sur cette famille » évoque le motif du poids exercé par la cible sur le site, les sentiments négatifs étant conceptualisés comme un poids, l’emploi prépositionnel figuré ne diffère pas trop de celui proprement spatial. En outre, la préposition sur ne se substitue pas à un autre relateur normalement attendu dans cette séquence. De surcroît ce sont souvent le sujet et l’objet prépositionnel qui déclenchent la lecture métaphorique. C’est peut-être pour cette raison que le rapport entre prépositions et métaphore suscite des opinions contraires. Anne-Marie Berthonneau, par exemple, écarte l’idée de l’existence d’emplois métaphoriques dans le domaine prépositionnel (1998 : 354). Partant de la métaphore comme infraction catégorielle et transfert des propriétés d’une entité source à une entité cible, souvent sous la forme de recatégorisations, dans des phrases en être, elle constate qu’un tel schéma exclut d’emblée les relateurs car

– la métaphore concerne un mot unique par exemple dans en emploi spatial et temporel ;

– deux instances d’une préposition ne peuvent pas être reliées par le verbe être ;

– l’emploi métaphorique, par exemple temporel, d’une préposition spatiale n’éveille aucune impertinence catégorielle et semble stable et conventionnel.
Comment appliquer, se demande-t-elle, un dispositif métaphorique aux prépositions qui, au lieu de correspondre à une classe d’entités dans le monde, sont le vecteur de l’expression d’une relation entre deux entités ? Et l’auteur de conclure à la difficulté d’application d’un tel dispositif car, pour ce faire, il faudrait disposer d’une description du sens des prépositions qui permette de façon claire :
le transfert sélectif de certains traits du sens premier de la préposition au sens second (par exemple, du sens spatial au sens temporel) ;
la distinction entre sens premier et sens second comme étant deux entités différentes. Or la conception généralement partagée considère Prép 1 et Prép 2 comme étant une même entité.
C’est l’analyse de ces arguments qui va nous fournir une manière de tester le caractère originellement tropologique de l’emploi sur+ville. Il va de soi que cette formulation, différente formellement des métaphores prédicatives sur une base nominale du type Paul est un lion, satisfait difficilement, à première vue, aux critères définis par Berthonneau.
Cependant, nous pouvons déjà effectuer certaines remarques :
i) la métaphore, dit l’auteur, concerne un mot unique. En admettant qu’il en soit ainsi ―cette centration sur le mot nous semble inapte à l’analyse de la métaphore comme processus conceptuel―, dans le cas de Je travaille sur Paris, c’est l’emploi de sur qui « fait figure » se substituant à celui de la préposition à (Je travaille à Paris), la préposition étant une sorte de foyer de la métaphore, focus pour Max Black (Ricoeur 1975 : 111).
ii) deux instances d’une préposition ne peuvent être reliées par le verbe être. Ici, il s’agit effectivement d’une métaphore prédicative difficilement applicable aux emplois prépositionnels, à moins d’imaginer un emploi autonyme du type « Dans Je dors sur Paris, ce sur est un à », évoquant la constatation d’une déviance ou d’une infraction catégorielle du type « Ce pékinois est un doberman » ;
iii) l’emploi métaphorique, par exemple temporel, d’une préposition spatiale n’éveille aucune impertinence et semble stable et conventionnel. Cette observation renvoie au transfert interdomanial normalement évoqué comme extension métaphorique. Or l’emploi analysé se présente dans le même domaine, celui de l’espace, avec un passage de la configuration vers la localisation. Et cet écart éveille une impertinence : l’actant n’est pas à proprement parler sur la ville, comme il pourrait être sur une chaise, toute lecture littérale et configurationnelle étant déviante. Si la formulation semble actuellement acceptée, c’est en vertu d’une conventionnalisation de l’emploi proche des phénomènes de lexicalisation de la métaphore ;
iv) par rapport au transfert sélectif de certains traits du relateur du sens premier vers le sens second, il faut souligner que ce transfert existe bel et bien : ce sont les traitsmobilitéet directionnalité qui deviennent centraux dans l’emploi métaphorique. Le trait superposition étant effacé par la mise entre parenthèses des sèmes discordants pour une interprétation métaphorique (Le Guern, 1973 : 15) ;
v) en ce qui concerne la distinction entre sens premier et sens second comme étant deux entités différentes, notons que, même s’il est certes difficile d’affirmer que dans « la tasse est sur la table » et « je suis sur Paris » il ne s’agit pas de la même préposition, la facette de sur activée par chaque énoncé apparaît comme clairement distincte et pourrait faire l’objetd’untraitemententermesde polysémie.
Ilressortdecequiprécède quel’emploi analyséselon ledispositif de Fauconnier et Turner peut,ànos yeux, être considéré comme étant, à la base, proprement métaphorique. Reproduisant le processus de lexicalisation de la métaphore (Le Guern 1973 : 82), cet emploi susceptible d’être jugé comme déviant en tant que fait de langue unique au moment de sa création individuelle, peut, par répétition et reprise mimétique, s’étendre jusqu’à la généralisation dans l’ensemble de la communauté linguistique, avec une atténuation graduelle de l’image et un ancrage progressif dans la mémoire linguistique. L’existence de différentsstadesd’enracinement ainsi que l’importance de l’écart à réduire dans la recherche de pertinence jouent sans doute dans la disparité des fréquences relevée pour les énoncés étudiés.

6. Conclusion

Ainsi, après avoir fourni une description sommaire des deux prépositions généralement opposées selon les notions de localisation et configuration, avatar du contraste entre abstraction et concrétude, nous avons dégagé un flottement sur-à pour les emplois dont la valeur descriptive se trouve atténuée par l’enracinement cognitifet linguistiquede situations typiques. Ce flottement étant permis par unedécolorationpartielledesurquirapprochel’emploidecerelateurdelasimplelocalisationetl’attire vers le pôle d’abstraction occupé par à. Dans le cadre de cette alternance, notre attention s’est concentrée sur l’emploi largement répandu sur+ville.
Une recherche en diachronie nous a livré les traits qui permettraient une telle extension : directionnalité, rapidité, objectif à atteindre, parfois hostilité ―Pierre Cadiot (1999 : 67) parle de contact / élan. En synchronie, nous avons relevé une extension de cet emploi en usage directionnel situatif (Je suis sur Paris), en fréquente cooccurrence avec un bornage temporel, une disjonction spatiale ou le marquage de l’exception, aboutissant de la sorte à un emploi positionnel accompagné d’une inférence de mobilité.
L’impulsion de cet usage, largement répandu, a été expliquée par l’émergence d’une figure composite découlant d’un processus d’intégration conceptuelle selon le modèle développé par G. Fauconnier et M. Turner. Pour cela nous avons adapté ce dispositif conceptuel à l’étude des prépositions.
Enfin, nous avons encadré ce mécanisme dans une approche différente du domaine de la métaphore : d’abord en allant au-delà de la métaphore de base lexicale et ensuite en affranchissant le traitement des prépositions en termes métaphoriques du passage obligé entre domaines linguistiques.
Bien entendu, cette analyse appelle à être approfondie et testée sur d’autres énoncés, étude qui réservera, à coup sûr, d’autres interrogations et soulèvera d’autres problèmes.

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Notes

[1] Le voisinage entre les prépositions sur et contre pour l’expression de l’impact ou de l’hostilité est valable aussi pour les sites inanimés : on peut lancer des cailloux sur une affiche, un panneau, un monument.

[2] Il faut souligner, dans les deux énoncés cités par Spang-Hanssen pour illustrer la nuance de rapidité de sur par rapport à vers, la présence d’autres unités linguistiques contribuant à la génération de cet effet particulier telles que directement et droit.

[3] Comme nous l’avons signalé au sujet des énoncés cités par Spang-Hanssen, l’on ne saurait ignorer les interactions contextuelles dans la construction du sens : ici, l’apport de l’adverbe immédiatement s’avère fondamental, la nuance de rapidité étant, dans tous les exemples cités, relativement dépendante du contexte.

[4] Les chiffres sont fournis à titre indicatif et ne peuvent être pris comme donnée scientifique car les certaines séquences apparaissent plus d’une fois dans les résultats fournis par le moteur de recherche. Par ailleurs, nous n’avons pas procédé à un dépouillement systématique des résultats, notre objectif étant tout simplement d’observer une tendance.

[5] Notre concentrerons notre analyse sur les énoncés du type sur Paris ; cependant, la préposition sur apparaît aussi en cooccurrence avec d’autres noms de ville. Une recherche effectuée le 20 février 2008 sur Yahoo France donne les résultats suivants : (nous indiquons en premier lieu la fréquence d’apparition de la préposition à suivie du nombre d’occurrences de la préposition sur) Je suis à / sur Lyon (17 500 / 22 700), Toulouse (12 100 / 15 600), Marseille (11 900 / 12 400), Bordeaux (4 290 /9 260), Strasbourg (2 640 / 1 440), Rouen (646 / 915), Orléans (613 / 690), Tours (775 / 664) ; Je travaille à / sur Lyon (310 / 228), Toulouse (166 / 144), Marseille (193 / 107), Bordeaux (127 / 66), Strasbourg (81 / 32), Rouen (40 / 46), Orléans (81 / 32), Tours (37 / 4).

[6] Je travaille sur Paris IV, dans les lèvres d’un professeur qui a changé d’Académie et qui se voit lui-même comme autonome pourrait s’opposer à Je travaille chez Carrefour prononcé par un travailleur qui veut s’intégrer à l’entreprise de manière stable, marquer une certaine appartenance (dans le sens de je fais partie de la maison, je partage la philosophie de l’entreprise).

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