A propos du séminaire

Problématique générale

Le point de vue général que ce séminaire entend se donner est celui d’une anthropologie sémiotique au croisement des sciences de la culture et des sciences cognitives. On y présentera des travaux théoriques et empiriques, non seulement en sciences du langage et en sciences cognitives, mais plus fondamentalement dans les diverses sciences de la culture qui en forment l’horizon déterminant : notamment, anthropologie, paléoanthropologie, éthologie, archéologie, linguistique historique et comparée. Ainsi, par exemple, la continuité et les ruptures entre l’animal et l’humain seront-elles analysées du point de vue d’une notion étendue de la culture. Sur le plan épistémologique, on cherchera à caractériser les objets à partir de leur diversification constitutive, et de la pluralité des pratiques où ils s’inscrivent, et non à partir d’invariants assimilés à des principes génératifs universels, dont toute différence se déduirait par instanciation. Dans cet esprit, les théories des Formes de filiation gestaltiste seront réexaminées, avec leurs capacités à se prêter aux types de fonctionnement sémiotique requis, à toutes les échelles de leur temps génétique. Une ouverture sera cherchée en direction des modélisations de systèmes complexes, qui permettent d’aborder ces questions dans leurs dimensions individuelles et collectives, intérieures et extérieures, synchroniques et diachroniques.

À l’heure où certains militent pour une naturalisation immédiatement exécutoire de toute anthropologie, il sera bon de rappeler que si naturalisation de l’anthropologie il y a, ce ne peut être que sur la base d’une culturalisation effective des sciences cognitives. Elle a pour corrélat le renforcement du dialogue entre philosophies d’inspiration phénoménologique et herméneutique, dont l’actualité au plan des problématiques scientifiques sera mise en lumière par les activités du séminaire.

Mais ce dialogue, nous voudrions aussi le placer sous l’égide du projet formulé par Cassirer – d’où le titre de « Formes symboliques » qui lui est emprunté – qui nous semble symboliser au mieux cette relance problématique. On contribuera ainsi au développement d’une problématique des sciences de la culture, conçue comme un point de vue singulier sur les sciences humaines et sociales, et sur leur imbrication aux sciences cognitives – dont elles sont aussi des conditions.

Thèmes de recherche

1. Gestalt, théorie des formes et structure thématique du champ de conscience

Théorie sémiotique de la perception, de l’action et de l’expression. Critique de la primauté du morphologique dans la perception ; théorie motrice de la perception ; dimensions primaires de l’activité, de l’action orientée par des buts et de la manifestation expressive. Extension des théories dynamiques et de la « génétique » des Formes. Complexification des théories micro-génétiques déjà existantes : modélisation (modèles complexes de type physico-mathématique), langage (théorie des Formes sémantiques), psychologie (écoles de la micro-genèse).

Sur le plan phénoménologique, analyse du champ de conscience à partir de la notion de thématisation (A. Gurwitsch). Transformations du champ thématique : la question des Formes au niveau macro-génétique. La question des déterminations culturelles de la perception, à toutes les échelles de temps.

2. Formes sémantiques et interprétation

Confrontation des différentes théories linguistiques actuelles d’inspiration cognitive, énonciative ou phénoménologique. Critique des conceptions logicistes, spatialistes ou topologistes de la grammaire, « dictionnairiques » du lexique. Examen des modèles perceptifs de la sémantique. Structures textuelles et formes thématiques : interprétation et intertextualité, genres. Impact de ces conceptions sur la problématique de l’émergence et de l’évolution des langues et sur la comparaison avec les capacités sémiotiques des animaux. Rôle instituant du langage dans l’expérience. Critique de l’anté-prédicatif en phénoménologie. La thématisation entre sémantique, herméneutique et phénoménologie.

3. A partir du concept de forme symbolique

Cassirer a construit le concept de Forme symbolique en le distribuant suivant les grands partages traditionnels de l’agir humain : langage, mythe, art, religion, science. Tout en reprenant ces grandes lignes de détermination, on cherchera de nouveaux éclairages à partir de plusieurs points de vue contemporains : ceux de la naturalisation et des sciences cognitives ; ceux de l’émergence des techniques et des institutions ; ceux de l’anthropologie contemporaine. D’où les rubriques provisoires :

  • Naturalisation de l’anthropologie : qu’est-ce qu’une phylogenèse des cultures ? Culturalisation des sciences cognitives et construction culturelle du cognitif : quelles sont les bonnes questions ? Critique du néo-darwinisme en anthropologie cognitive et en philosophie de l’esprit.
  • Rapport de la question de la forme symbolique à l’origine anthropologique des institutions (rituel, ritualisation, langage et structure sociale – rôles sociaux et lignages, territoires, royauté).
  • Recherches sur les dimensions de la classification, sur la constitution des genres et des « écoles » : stylistique en un sens très générique (motifs et schémas de composition de base : que ce soit outillage, peinture pariétale ou objets travaillés). Sémiotisation et ritualisation des pratiques utilitaires. Réexamen du point de vue utilitariste. Critique de l’approche purement classificatoire des catégories de la parenté, de l’alliance et du totémisme.
  • Les mathématiques et la physique dans la problématique des formes symboliques.
  • Comparaison des méthodologies. D’une discipline à l’autre, on procédera à la comparaison des attendus méthodologiques (qui incluent toujours une part de théorie) : linguistique de corpus et linguistique diachronique, archéologie et paléontologie, éthologie. On comparera d’un domaine à l’autre les schémas de compréhension et d’explication, et on examinera les prétentions éventuelles à la reconstruction génétique du champ (par exemple, on comparera les méthodes de reconstruction des pratiques alimentaires, sexuelles, rituelles, esthétiques, etc., avec les méthodes philologiques de la linguistique comparée, de la proto-linguistique, des herméneutiques textuelles). On examinera les bases matérielles et les principes systématiques de ces herméneutiques scientifiques.
  • Le problème de la constitution technique du cognitif. Evolution et formes culturelles : critique et évaluation des modèles darwiniens ou d’inspiration darwinienne.

 

 

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