Aux sources de la variation culturelle / Sources of cultural variations (SOURVA)
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Perception sémiotique et Socialité du sens (Projet ANR PerSemSoc)
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Ce projet à caractère fortement interdisciplinaire propose de nouvelles voies pour faire avancer ensemble sciences cognitives, sciences du langage et sciences sociales. La clé en est de rendre compatibles deux caractéristiques fondamentales du sens : sa perceptibilité et sa socialité, et de les faire opérer dans le cadre d’activités symboliques. Plus précisément : (i) la socialité du sens doit être rapportée d’emblée à des formes et des activités symboliques, qui redirigent en permanence les interactions et conditionnent la formation des valeurs et des utilités, (ii) le sens en tant que social ne se sépare pas d’une recherche d’expression, concomitante de la formation de divers médias sémiotiques et d’une constante ritualisation des conduites, fondant la possibilité de la répétition et d’une évaluation des écarts, (iii) l’historicité et la socialité du sens trouvent leur répondant, au niveau de l’expérience individuelle, dans une perception d’emblée sémiotique, qui ne se sépare pas de dispositions expressives étroitement dépendantes des médiations sémiotiques instituées.
La question du relativisme culturel se trouve ainsi reformulée de l’intérieur, comme celle d’un sens commun procédant d’un ajustement constant réciproque, générateur de variations. On retrouve les deux grandes rubriques de la question du sens commun depuis Aristote : celle des sensibles communs (koinè aisthesis) et celle des croyances ou opinions (doxa). D’où l’importance cruciale d’une conception de l’expérience, notamment perceptive, qui soit en mesure de prendre en charge, dès ses phases microgénétiques les plus précoces, les déterminations culturelles ou sociales ; et qui vaille tout autant dans le registre du sensible que dans les autres registres du sens.
Cette problématique perceptive et sémiotique de la socialité du sens se décline suivant quatre composantes : (i) Microgenèse de l’expérience. Le caractère immédiatement perceptible de certaines couches du sens ne se comprendrait pas sans une théorie adéquate de l’expérience perceptive et praxéologique. Il s’agit, notamment, de comprendre comment, dans les phases précoces de l’expérience, sont déjà actives des orientations attentionnelles déterminées par la pratique en cours, tant bien sûr pour ce qui concerne la saisie interprétative de formes linguistiques (ex. lecture), que pour ce qui concerne la perception d’autrui comme sujet d’émotion en deçà du discours. On vise ici à mieux articuler le temps des perceptions brèves et qualitatives (physionomies) avec celui des constructions plus étendues des discours et des pratiques normées. (ii) Formes sémantiques. La perception et la construction du sens dans l’activité de langage relèvent dans ce cadre d’une théorie dynamique des formes sémantiques, co-articulant plusieurs phases ou régimes de sens. La description linguistique s’organise autour de phases génériques et instables (motifs), notamment pour ce qui est du sens des unités lexicales (jusqu’aux expressions idiomatiques et aux proverbes). Il s’agit alors d’analyser plus avant l’étirement de la doxa perceptible dans les ’motifs linguistiques’, entre lexique commun et topiques plus spécifiques ; et d’élaborer une conception également microgénétique au niveau des prédications et constructions grammaticales. (iii) Mimesis, intersubjectivité et neurosciences. Les neurones miroirs ont corroboré l’idée d’une saisie directe, empathique et non-inférée, du sens des conduites et attitudes d’autrui. Il s’agit de réaliser en quoi cette première couche de la mimesis et de ses corrélats cérébraux diffère d’une véritable saisie sémiotique de l’action dans un réseau symbolique, laquelle implique conventionnalisation d’un sens générique et ritualisation des gestes. (iv) Formes et activités symboliques. Il s’agit ici d’articuler les dimensions suivantes : recomposition des besoins et des utilités à partir de valeurs fictionnelles ; supports sémiotiques spécifiques, mêlant des enjeux pratiques et mythiques ; ritualisation des conduites et normativité des pratiques (ex. monnaie, numération, écriture). On cherche à dégager des conditions phylogénétiques et anthropologiques générales sous-tendant l’émergence de tels dispositifs sémiotiques. Les dispositions et structures génériques nécessaires à l’établissement de ces économies symboliques seront comparées à celles requises pour le développement d’une activité de langage.
Chacune de ces composantes se définit à partir de travaux déjà avancés, et comprend, selon les cas, un volet de description empirique (étude de cas ou de corpus, voire expérimentation) ou un volet de reconstruction génétique (au plan théorique) original. Cet apport propre sera enrichi par la reprise d’autres travaux, à réévaluer dans le cadre que nous proposons. Il en résultera un tableau intégré aux recherches actuelles de la question d’une communauté du sens, qui soit de nature sémiotique et sociale, et variable par construction.
Pour citer l’article:
« Projet ANR PerSemSoc », in Le projet PerSemSoc / The PerSemSoc Project, .
(c) Formes symboliques, n° , 2007.